Andreï MAKINE, Le Testament français

Publié le par Schneeweiss

« Pour la première fois de ma vie, je regardais mon pays de l’extérieur, de loin, comme si je ne lui appartenais plus. Transporté dans une grande capitale européenne, je me retournais pour contempler l’immensité des champs de blé et des plaines neigeuses sous la lune. Je voyais la Russie en français ! J’étais ailleurs. En dehors de ma vie russe. Et ce déchirement était si aigu et en même temps si exaltant que je dus fermer les yeux. J’eus peur de ne plus pouvoir revenir à moi, de rester dans ce soir parisien. En plissant les paupières, j’aspirai profondément. Le vent chaud de la steppe nocturne se répandait de nouveau en moi

La quête identitaire d'Andreï Makine, jeune homme tiraillé entre sa passion pour la France et sa nationnalité russe.

Sa jeunesse est bercée par les récits magique de sa grand-mère française, Charlotte. Au fil des pages, on en apprend plus sur cette française exilée en Sibérie et sur les drames qu'elle a vécu.

L'adolescence, martellée par la propagande soviétique, sonne pour le jeune homme, le temps de la rebellion contre les illusions véhiculées par Charlotte et son pays. Un pays si éloigné de la Russie froide et cruelle où il demeure.

Enfin, adulte, l'auteur désire retisser ce lien si particulier avec sa grand-mère. Même si la mort de celle-ci entraîne une révélation bouleversante.



Gros coup de coeur pour ce livre.
Ma note :
Un livre touchant, plein d'humour. Une belle déclaration d'amour.
J'ai trouvé l'écriture très agréable et le roman bien ficelé. L'auteur nous fait voyager entre la France et la Russie, mais aussi à travers les époques. Une lecture plaisir à dévorer.


Ce qui m'a plu...
* La réflexion sur la langue et la littérature.
* Les anecdotes croustillantes et le contexte historique.
* Cette quête identitaire entre la France et la Russie.
* Un style agréable, plein d'humour et de tendresse.

J'ai moins aimé...
* Le court passage d'errance de l'auteur.

D'autres extraits choisis :

« Cette phrase de propagande qui me laissait autrefois indifférent : ‘Vingt millions de personnes sont morts pour que vous puissiez vivre !’, oui, ce refrain patriotique acquit soudain pour moi un sens neuf et douloureux. Et très personnel.L a Russie, tel un ours après un long hiver, se réveillait en moi. Une Russie impitoyable, belle, absurde, unique. Une Russie opposée au reste du monde par son destin ténébreux.Oui, si, à la mort de mes parents, il m’arriva de pleurer c’est parce que je me sentis Russe. La greffe française dans mon cœur se mit à me faire, par moment, très mal. »


«  L’indicible ! Il était mystérieusement lié, je le comprenais maintenant, à l’essentiel. L’essentiel était indicible. Incommunicable. Et tout ce qui, dans ce monde, me torturait par sa beauté muette, tout ce qui se passait de la parole me paraissait essentiel. L’indicible était essentiel. »


« Je la voyais avec cet inexplicable recul que j’avais pris la veille pour une sorte d’illusion d’optique due à ma tension nerveuse. Je crus percevoir ce vertigineux dépaysement que Charlotte devait ressentir souvent : un dépaysement presque cosmique. Elle était là, sous ce ciel violet et paraissait parfaitement seule sur cette planète, dans l’herbe mauve, sou les premières étoiles. Et sa France, sa jeunesse étaient plus éloignée d’elle qu cette lune pâle – laissées dans une autre galaxie, sous un autre ciel… »

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